dans les médias

Guide pédagogique du Musicorama

 L'ASSOCIATION IMAGES ET MUSIQUES DANS LES MEDIAS  
 

Tendons l'oreille  !


Il nous est souvent simple de reconnaître les musiques de nos films, émissions, séries, pubs et jeux vidéo préférés, notamment celles ayant marqué notre enfance. Mais prêtons-nous suffisamment d'attention aux musiques off que nous écoutons dans les divers médias audiovisuels en général ? Prenons-nous conscience de leurs rôles, de leurs pouvoirs, des émotions quelles provoquent en nous, de leurs relations aux images et aux éventuels dialogues, commentaires, bruits et textes  ?

Une réalisation audiovisuelle, quand elle est suffisamment réussie, est capable de créer l'illusion, de divertir, de convaincre, d'hypnotiser, de faire rêver et de générer de multiples émotions. Ce pouvoir peut, en partie, provenir de ses musiques off et des effets produits par les associations de ces mêmes musiques avec les différentes autres matières narratives (images, paroles, bruits, textes).

 

Les musiques off peuvent avoir de multiples fonctions comme par exemple créer une ambiance particulière, indiquer l'état psychologique d'une personne, illustrer une action, prévenir d'un danger, produire des effets de réel ou de décalage, apporter un point de vue, etc. Ces musiques peuvent être originales c'est à dire créées spécialement pour le film comme dans Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux. On parle alors de bande originale du film ou B.O.. Elles peuvent être aussi préexistantes, c'est à dire qu'elles n'ont pas été conçues pour le film. Par exemple, certains réalisateurs, comme Quentin Tarantino ou Stanley Kubrick aiment associer des musiques très célèbres, plutôt rocks pour le premier, plus souvent classiques pour le second. Les émissions télévisuelles de divertissement ou d'information utilisent beaucoup de musiques off préexistantes, notamment des tubes anglo-saxon anciens ou récents, mais cette utilisation est souvent paresseuse, prévisible, simpliste, standardisée, stéréotypée, donc moins recherchée, moins astucieuse et moins imaginative.
 

La musique dans les émissions d'information

Depuis toujours, qu'ils soient cinématographiques, télévisuels ou sur le web, les reportages d'information sont régulièrement accompagnés de musiques off. Déjà, au temps du cinéma muet, les premières actualités cinématographiques, tout comme les fictions, étaient accompagnées de musiques interprétées directement dans les salles, le plus souvent soit par un pianiste, par un organiste ou un orchestre.

 

Pendant les conflits guerriers, notamment durant la 1ère et 2nde guerre mondiale, le pouvoir de suggestion des films et actualités de propagande repose également pour beaucoup sur leur accompagnement musical. Par exemple, la musique off a été très largement utilisée pour encourager la ferveur patriotique et le combat, évoquer la bravoure des soldats, la détresse des victimes, mais aussi provoquer la moquerie, la peur, la menace, l'horreur, le dégoût de l'ennemi, etc. Pour le journalisme audiovisuel, en particulier dans les grands reportages, cette pratique visant à orienter les interprétations, représentations et opinions des publics récepteurs, notamment en provoquant chez eux des sensations et émotions, n'est donc pas nouvelle et pourrait être considérée, à tort, comme naturelle, normale. Cette pratique est d'autant plus efficace et rarement contestée qu'il est sans doute probable qu'une grande majorité des publics récepteurs soient en attente de sensations fortes, que ce soit par désir, par besoin, mais aussi par habitude. 

 

Au cinéma, dans les émissions de divertissement, les documentaires animaliers et géographiques, les jeux vidéos ou dans la publicité, la musique off contribue donc à « faire croire », à provoquer des émotions, à faire rêver, bref à jouer son rôle louable de divertissement ou de communication. Mais a-t-on besoin de musiques off quand il s'agit de transmettre une information objective, fiable, peut-être complexe, sur des sujets sociétaux, politiques, géopolitiques et scientifiques ? Ces sujets n'exigent-ils pas des journalistes un maximum d'objectivité, d'éthique et de sérieux ? Qu'attendre de la réaction du public récepteur, de son sens critique, de sa citoyenneté, si on l'habitue à trouver surtout du spectacle et du divertissement dans les émissions d'information quelques soient les sujets ? Par exemple, on constate une multiplication de reportages sur des problèmes de délinquance, dont la forme s'inspire de films de fiction à sensation et utilise régulièrement des musiques évocatrices (angoisse, drame, suspens, action...).

 

Au même titre que les rires off ajoutés à certaines séries télé pour nous indiquer le degré d'humour des scènes auxquelles les récepteurs assistent et les encourager à rire également, les musiques off utilisées dans les émissions d'informations cherchent donc à provoquer une émotion, à plaire, à séduire,  à atteindre l'inconscient et la sensibilité. Pourtant, transmettre des informations sérieuses n'impliquerait-il pas d'abord de solliciter une certaine concentration plutôt qu'une détente ? Cette concentration n'est-elle nécessaire à la réflexion, au sens critique et à la fabrication d'une opinion raisonnée  ?
 

 

crédits réglementaires : Long Road Ahead par Kevin MacLeod est distribué sous la licence Creative Commons Attribution (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/) Source : http://incompetech.com/music/royalty-free/index.html?isrc=USUAN1100588  Artiste : __url_artiste__

 

 

franceinfo: la chaîne TV publique d'informations en continue, lancée en septembre 2016, diffuse plusieurs fois par jour des reportages, appelés par la chaîne des « modules ». Ces reportages ont la particularité d'être sans commentaire off mais systématiquement accompagnés de musiques diverses et différentes des jingles habituels de la chaîne. Autre particularité, les informations sont systématiquement données par des textes surlignés en couleur. La forme des modules est épurée, sobre, moderne et permet de marquer une sorte de pause récréative dans le flux soutenu d'informations données par orale, un peu comme les pauses musicales des radios.

 

Mais ici, contrairement aux images des séquences « no comment » de la chaîne EuroNews, le texte prend le relais et l'information ne s'arrête donc pas. Solliciter de façon alterner les différents sens des téléspectateurs serait l'une des nouvelles stratégies de l'info TV  ?  Une stratégie pour conquérir l'audience et satisfaire des téléspectateurs moins attentifs, moins enclins à la concentration, davantage habitués aux messages courts des réseaux sociaux et peu prédisposés à de trop longues explications orales  ?