Les articles présentés sur cette page ont été réalisés suite à une formation de 3 heures en interne, destinée à l’équipe de notre association. Organisée le samedi 16 novembre 2024 sur proposition de Christopher Coulombeau, président d'ADEIFvidéo, et suivie par 4 participants, cette formation avait pour but de perfectionner nos capacités rédactionnelles sur des thèmes relatifs à l’éducation aux médias audiovisuels. Elle avait également pour but de nous encourager à rédiger des articles diffusables sur notre site web. A l’heure où des applications IA sont capables de générer de façon instantanée toutes sortes de textes qui progressivement vont envahir le web, ADEIFvidéo mise plutôt sur l’expression, le renforcement et l'autonomisation de l’intelligence humaine !! Une démarche plutôt souhaitable pour renforcer nos capacités d'expression écrite et nos capacités d'argumentation.
Pour nous exercer, nous avons choisi de rédiger des articles donnant les positionnements de notre association sur la place de la télévision, en particuliers les chaînes gratuites de la TNT, dans le cadre de l’éducation aux médias. Ce sujet a souvent était source de discussions ces dernières années au sein de notre équipe. Il nous paraissait urgent de mettre noir sur blanc de nombreuses observations et nos avis.
Les articles présentés ci-dessous ont été réalisés dans les mois suivants cette formation, avec plusieurs échanges à distance, par mails et par visios. Pour l’instant, pour des raisons d’emplois du temps serrés, seul Christopher Coulombeau, président de l’association et Ludovic Touchard, animateur salarié ont pu aller jusqu’au bout de cette démarche, mais de nouveaux articles d’autres membres pourraient prochainement enrichir cette page. N’hésitez pas à nous transmettre vos avis et remarques sur ces productions, par mail, à adeif.video@gmail.com.
Sommaire
La télévision traditionnelle aux oubliettes ?
Comment sont mesurées les audiences des vidéos de YouTube et des émissions TV ?
L’audience TV est encore très importante en 2025
Les jeunes regardent-ils encore les chaînes de la TNT ?
Les chaînes de télé en lutte avec les géants du numérique
S’interroger sur les conséquences de nos usages des médias de masse
Quel avenir pour la télé ?
La télévision traditionnelle aux oubliettes ?
En France, en 2025, la télé gratuite reste globalement le média le plus utilisé pour s’informer et surtout pour se divertir, même si elle est de moins en moins regardée par les jeunes. Les journaux télévisés de 20 heures restent les émissions phare. L'audience quotidienne cumulée des différents JT est encore d'environ 10 millions de personnes, un véritable rituel national, constatable également dans de nombreux autres pays. A l’heure où l’on s’inquiète légitimement des effets négatifs des réseaux sociaux, ceux de la télé ont été et restent également très importants : désinformation, propagande, racolage, discrimination, incitation à la haine, banalisation de la violence, matraquage publicitaire, célébration de l’apparence, effets de dépendance, de conditionnement, d’isolement, présence trop importantes de valeurs dangereuses, matérialistes et écocides sur une majorité des chaînes de la TNT, etc.
Dans ses démarches d’éducation et de sensibilisation aux médias (ateliers éducatifs, formations, réflexions collectives, créations de jeux de montage, etc.), ADEIFvidéo a toujours pris en compte l’ensemble du paysage audiovisuel. Nous nous intéressons autant à la télévision traditionnelle gratuite qu’aux nouveaux médias numériques et nos activités permettent d’aborder de multiples aspects : infos, divertissements, publicités, usages, audiences, formes, techniques, fonctionnements, communication, marketing, financement par les annonceurs, mises en scène, programmation, pouvoirs persuasifs, influences, propagandes, etc.
Pour ADEIFvidéo, la télé doit rester un sujet central de l'éducation aux médias. Plusieurs aspects justifient ce choix pédagogique :
- la place considérable que la télévision a prise dans le quotidien d'une majorité de la population depuis 50 ans est un phénomène socioculturel majeur. L'émergence du web et des réseaux sociaux, autre phénomène décisif, aurait tendance à nous le faire oublier. La télé est utilisée par toutes les générations, ce qui est beaucoup moins le cas des autres types de média de masse (presse écrite, radio et web).
- en 2025, il est faut de croire que la télé traditionnelle ne soit plus regardée par les enfants et les jeunes. Les sondages de l'institut Médiamétrie confirment une forte baisse de l'audience chez les 4-14 ans, mais pas un arrêt (1h58 en 2014, 1h01 en 2022). Nous le constatons également dans nos échanges avec les jeunes participants à nos ateliers. La grande majorité d'entre eux regarde encore la télé de façon régulière et parfois massivement. Pour les jeunes générations, il y a bien un phénomène de "remplacement" dans les types de médias préférés et les plus consultés, mais aussi un phénomène de "cumul" des usages. L'exposition quotidienne aux médias de masse est donc globalement amplifiée.
- une démarche cohérente d'éducation aux médias doit, à notre avis, s'intéresser aux usages de toute la population et de tous âges, pas uniquement ceux des mineurs. Par exemple, en temps scolaire, dans le secondaire, l'étude du rôle considérable et toujours actuel de la télévision sur les élections présidentielles en France nous semble être un sujet concret et éclairant sur les pouvoirs des médias audiovisuels de masse. L'étude de l'impact de la télévision sur les références et préférences culturelles les plus dominantes des français nous semble un sujet particulièrement intéressant.
- arrivée à l'âge adulte, l'usage de la télé augmente avec les années. En 2025, pour un jeune de 13 ans, regarder beaucoup moins la télé, voire plus du tout ne sera peut-être pas définitif. Selon nos observations, beaucoup de personnes de la génération Y (personnes nées entre 1980 et 1995), ayant accompagné la transition numérique, l’avènement d’internet et des réseaux sociaux, ont conservé ou repris une utilisation régulière de la télé. A notre avis, ce retour à la télé pourrait être favorisé par la fin des études, l'entrée dans la vie active, le départ du foyer familial et un mode de vie davantage isolé.
- en éducation aux médias, de nombreux aspects essentiels et propres à tous les médias audiovisuels peuvent être déjà abordés par l'étude de la télévision : techniques audiovisuelles, traitement de l'information, techniques de communication, de marketing et donc de captation de l'attention, économie des médias et rôle de la pub dans leurs financements, analyse critique des programmes, etc. Les adultes en responsabilités éducatives se sentant dépassés et démunis face aux nouveaux usages numériques et notamment des réseaux sociaux chez les jeunes, auraient déjà beaucoup à apprendre de leurs propres usages de la télévision !
ADEIFvidéo encourage donc toute personne en responsabilités éducatives, et en particulier celles intervenant dans le champs de l’éducation aux médias et à l’information, à ne pas sous estimer les usages de la télé et l'importance de ses impacts individuels et collectifs.
Certes, les nouvelles générations la regardent de moins en moins, la délaissent pour d’autres médias, mais leur exposition reste encore importante et s'amplifie à l'âge adulte. Durant l’enfance, période sensible où doivent se jouer des apprentissages déterminants, ces usages n’ont bien entendu pas les mêmes conséquences qu’à l’âge adulte.
avril 2025 - Ludovic Touchard - animateur/formateur d'ADEIFvidéo
Comment sont mesurées les audiences des vidéos de YouTube et des émissions TV ?
En France, les audiences sont mesurées depuis 1985 par la Société Anonyme Médiamétrie, qui compte parmi ses actionnaires des groupes audiovisuels tels que TF1, France Télévision, M6, et divers annonceurs.
Médiamétrie mesure l’audience notamment grâce à la technologie de watermarking : une sorte de « tatouage » inclus dans les fréquences émises. Pour compter, elle utilise un échantillon représentatif de la population française, soit près de 11 500 personnes sur 5 000 foyers munis d’équipements multimédias (tous types d’écrans et de modes de réception). L’audience des programmes TV regardés hors domicile est mesurée également. Avec l’arrivée du web, Médiamétrie s’est adaptée aux évolutions et aux nouveaux usages, pour tenir compte des vidéos à la demande, les directs, les replays, via la télévision Internet (IPTV).
Ainsi, on peut savoir, par exemple, que le lundi 13 Janvier 2025, la série « Érica » sur TF1 est arrivée en tête des audiences devant l’émission de M6, « L’Amour est dans le pré », avec 3,89 millions de téléspectateurs, correspondant à 22,2% du public présent devant sa télévision ce soir là, dont 25,7% de la catégorie « femmes ménagères de moins de 50 ans » renommée récemment « Femme Responsable des Achats de moins de 50 ans ». C’est dire si les programmes et les publicités sont liés !
Les grandes plateformes de streaming vidéo en ligne sont moins transparentes sur le calcul des vues et des statistiques. D’après YouTube, une vue est comptabilisée généralement au bout de 30 secondes de lecture, mais cela varie en fonction de la longueur de la vidéo. Les replays peuvent également être comptabilisés : écouter 10 fois votre chanson préférée pourrait être compté 10 fois (là encore, cela varie selon l’équipement utilisé, compte connecté ou non, temps d’actualisation des données…). Depuis quelques années, il existe un phénomène massif de faux streams, par divers procédés, permettant de faire gonfler artificiellement le nombre de vues pour générer du revenu. À titre d’exemple, dans le domaine de la musique, le Centre National de la Musique a estimé en 2021 qu’1 à 3 % des écoutes sur Deezer, Qobuz et Spotify sont des fausses, soit 1 à 3 milliard d’écoutes. YouTube n’a pas partagé ses données sur le sujet. Malgré l’utilisation d’algorithmes sophistiqués pour détecter et éliminer les vues artificielles, ou encore le saut des passages de lecture qui ne sont pas comptabilisés, le nombre de vues ne reflète pas le nombre d’utilisateurs uniques.
avril 2025 - Christopher Coulombeau - Président d'ADEIFvidéo
L’audience TV est encore très importante en 2025
En France, selon l’institut de mesure d’audience Médiamétrie, la durée moyenne de consommation quotidienne de la télé a d’abord connu une constante augmentation jusqu’en 2010 (1). En 1997, elle est d’environ 3h11 par jour par individu (à partir de 4 ans) et culmine à environ 3h50 en 2010 (2). A partir des années suivantes l’audience moyenne baisse, très fortement concurrencée par de multiples autres médias audiovisuels engendrés par le web. Toutefois, cette baisse d’audience moyenne est plutôt lente, la télé résiste. En 2022, la durée quotidienne moyenne par individu de 4 ans et plus est encore de 3h26 et en 2023 de 3h19, soit presque 24 heures de télé par semaine. Mais attention, l’évolution des audiences est parfois très différente selon les tranches d’âge, en particulier si l’on compare celles des 4-14 ans en très forte baisse (1h58 en 2014, 1h01 en 2022) à celles des 50 ans et + en hausse (5h02 en 2014, 5h23 en 2022.).
Selon Médiamétrie, la télé a réuni en 2024 près de 45,6 millions de téléspectateurs par jour dont 24,8 millions uniquement pour TF1. N’oublions pas également que les chaines de télévisions sont présentes sur toutes les grandes plateformes en ligne, postant des replays, des extraits et autres contenus. Elles possèdent leurs propres services de streaming en ligne, comme TF1+, France.tv ou M6+. Le site TF1+, par exemple, rassemble à lui seul 35 millions d’utilisateurs uniques chaque mois, 20 millions sur M6+.
D’après une enquête de la Fondation Jean Jaurès, en 2024, à la question : « Pour chacun de ces moyens, à quelle fréquence diriez-vous que vous les utilisez pour accéder aux actualités ? » la télévision serait utilisée à 91 %, internet à 89 %, la radio à 79 %, la presse 53 %.
Toujours selon Médiamétrie. malgré la forte hausse de la vidéo à la demande ces dernières années, la télévision « en live » c'est à dire hors replay et VOD, représentait encore 67 % du temps vidéo des français en 2023. L’information, le sport, et les émissions phares, sont consommés presque exclusivement en direct, et continuent de rassembler des millions de téléspectateurs.
avril 2025 - Christopher Coulombeau et Ludovic Touchard
Les jeunes regardent-ils encore les chaînes de la TNT ?
Que ce soit dans les médias ou dans le cadre de nos activités associatives, beaucoup de personnes affirment que les enfants et les ados ne regardent plus ou presque plus les chaînes de télé et se tournent désormais très essentiellement vers les nouveaux médias connectés. Selon les sondages de Médiamétrie, cette affirmation est donc pourtant statistiquement inexacte, du moins pour la période antérieure à 2024.
Pour les 4-14 ans, on assiste donc à une forte baisse de la durée moyenne de visionnage, mais elle reste encore non négligeable, d’autant qu’elle vient en effet s’ajouter à d’autres usages de médias (1). Toutefois, cette statistique ne donne qu’une durée moyenne et ne dit rien de l’amplitude des différences d’usages. Il est en effet fort probable que certains enfants et jeunes ne regardent plus du tout la télé et que d’autres, contrairement, la regardent plus de 2 heures par jour.
Plus concrètement, nous constatons cette persistance des usages télévisuels des mineurs également par nos propres sondages informels auprès des jeunes de 8 à 15 ans, notamment lors de nos échanges en atelier. La grande majorité d’entre eux continue à regarder quotidiennement la télé et souvent plusieurs heures le week-end et durant leurs vacances.
Mais pour se faire une idée plus objective de l’évolution des usages de la télé chez les mineurs, nous pensons que des statistiques annuelles différentes et plus fines seraient nécessaires. D’une part, il serait plus logique de prendre en compte la durée de consommation télévisuelle moyenne quotidienne des enfants à partir de 2 ans (2) et calculer l’audience des 2-11 ans, une tranche d’âge plus pertinente que celle des 4-14 ans. Il s’agirait ainsi de distinguer l’enfance, période prédisposant davantage à l’usage de la télévision, de l’adolescence. Même si la loi du 7 juillet 2023 (3) a instauré la majorité numérique à l’âge de 15 ans, l’équipement en smartphone et l’usage des réseaux sociaux s’intensifient dès l’arrivée au collège et détournent les pré-ados de la télé, mais leur consommation de contenus audiovisuels reste majoritairement très élevée.
D’autre part, une différenciation des données selon le niveau de formation et la catégorie socio-professionnelle des parents est indispensable. Nous émettons l’hypothèse qu’il existe de très fortes disparités d’écoute selon ces deux critères, par exemple, entre des enfants d’ouvriers et des enfants de cadres ou par exemple entre des enfants de commerçants et des enfants d’enseignants. Attention, une fois encore il s’agit de connaître des moyennes, des tendances, les importantes différences d’usages ne sont pas systématiques et n’excluent pas des observations inversées.
(1) https://www.sudouest.fr/culture/programmes-tv/chaque-semaine-avant-l-ec…
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/de-deux-a-cinq-ans-les-enfants-p…
(3) https://www.vie-publique.fr/loi/288274-majorite-numerique-15-ans-reseau…
avril 2025 - Ludovic Touchard - animateur/formateur d'ADEIFvidéo
Les chaînes de télé en lutte avec les géants du numérique
Les chaînes de télé les plus dominantes semblent être parties en croisade contre les GAFAM. Leurs principaux arguments : lutter contre la désinformation, la propagande et la haine véhiculées par les réseaux sociaux. Reportages à charge, émissions hebdomadaires de débunkage pour distinguer le vrai du faux, actions d’éducation aux médias, tout est bon pour tenter de discréditer la concurrence et se faire passer pour de bons élèves.
Face à Tik-Tok, Facebook, Youtube et autres réseaux, la télé serait un gage de sérieux, de réalité et de vérité ! Mais de nombreux contenus télévisuels passés et actuels laissent pensifs sur la crédibilité de ce combat moral et hygiénique ! L’augmentation des contenus racoleurs et certaines valeurs largement véhiculées interrogent ! Invasion publicitaire, choix éditoriaux des chaînes, multiplication des émissions en immersion avec les forces de l’ordre et d’enquêtes criminelles, des émissions sur les conflits militaires, etc.
Beaucoup d’émissions s’emploient à donner en spectacle les aspects les plus vils, misérables et sinistres de notre société. Sur ce point, ils égalent, voire dépassent aisément la dangerosité des nouveaux médias connectés à l’égard des usagers (santé mentale, compréhension objective de la vie, de la société, de ses principaux périls, capacité à vivre en collectivité, etc.).
En France, les chaînes de télé bénéficient, dans leur lutte, du soutien logique et légitime de l’État, préoccupé, à juste titre, par les enjeux colossaux de souveraineté et d’ordres économiques, informationnels, éducatifs et de protection de la population. Mais le discours ambiant des pouvoirs publics et de nos institutions éducatives face aux nouveaux médias semble oublier ou sous estimer les effets de la télé sur notre société depuis 50 ans. Certes, bien utilisée, en choisissant les meilleurs programmes, la télé a pu et peut encore avoir des effets positifs sur ses utilisateurs, dont notamment pour une certaine égalité d’accès, à moindre coût, à un minimum d’information, à la connaissance, à la culture, au divertissement, etc. Mais ces avantages sont à relativiser face aux possibles effets de conditionnement, de dépendance et d’aliénation des téléspectateurs. A la télévision française, le pire domine, le meilleur reste exceptionnel !
Cette lutte des chaînes historiques se fait-elle réellement dans l’intérêt de la population ? Ne serait-ce pas plutôt avant tout une bataille commerciale entre entreprises médiatiques concurrentes, cherchant à préserver leur pré carré, leurs propres intérêts, leurs profits et leur survie, en maintenant leur audience et leur part du marché publicitaire ?
Le succès des réseaux sociaux, des plate-formes et des médias connectés en général repose entre autre sur la multiplicité et la diversité des contenus, pour certains très spécialisés, rarement ou jamais programmés sur la TNT. Beaucoup plus qu’avec la télé, tous types de publics peuvent y trouver des contenus satisfaisants, même les plus instruits et exigeants, comme par exemple avec les podcasts scientifiques du Collège de France en ligne depuis 2006. Par ailleurs, ces contenus sont généralement en accès instantané et pour beaucoup presque gratuits une fois payé l’abonnement à l‘opérateur internet et mobile. Parmi les autres principaux avantages, l’interactivité des usages, la liberté d’exprimer, de diffuser et de partager son avis, des liens, ses propres créations de photos, de vidéos, d’audios, avec de multiples autres internautes, connus ou non, et possiblement à travers le monde. Favoriser la participation et l’expression de toutes et tous n’est-elle pas un des principaux enjeux d’une société se voulant égalitaire et démocratique ?
Face à la télé traditionnelle dénuée d’interactivité, imposant ses programmes très majoritairement médiocres, voire très mauvais, et ne permettant la participation qu’à la marge, les plate formes et réseaux sociaux offrent de nouvelles modalités d’usage, plus libres, plus ouvertes, plus participatives. Les chaînes de télé, comme beaucoup d’autres médias traditionnels l’ont bien compris et paradoxalement, cherchent elles aussi à profiter de la révolution numérique en optant pour le multisupport : sites web, plateformes de vidéos à la demande et pages sur les réseaux. Ces nouveaux supports leur permettent notamment de promouvoir leurs programmes, d’offrir de nouveaux services, d’étendre leurs espaces publicitaires.
Reste que les inconvénients et dangers des nouveaux médias numériques sont effectivement considérables pour la population et, pour l’instant, encore moins maîtrisables par les pouvoirs publics que la télé : régulation insuffisante des contenus et des propos échangés, vitesse incontrôlable de propagation des images, accès libre et gratuit à tout âge à des contenus hyper violents et à des contenus pornographiques, algorithmes amplifiant l’enfermement et le conditionnement des utilisateurs, etc. Toute personne en responsabilités éducatives doit être consciente des conséquences négatives des nouveaux médias connectés, mais sans exempter pour autant celles de la télévision, dont la liste des méfaits pourrait bien être tout aussi longue à dresser.
avril 2025 - Ludovic Touchard - animateur/formateur d'ADEIFvidéo
S’interroger sur les conséquences de nos usages des médias de masse
Les préoccupations grandissantes et légitimes à l’égard des nouveaux médias numériques pourraient être salutaires. Elles pourraient déclencher des interrogations et prises de conscience plus globales au sujet des effets et conséquences de l’ensemble de nos usages des médias de masse (télé, cinéma, radio, presse, édition, web). En France, depuis 50 ans, l’éducation aux médias et à l’information a toujours été très en retard, notamment face aux usages et effets de la télévision. On assiste à un relatif réveil des actions en temps scolaire à partir de 2015, mais largement focalisé sur les dangers des réseaux sociaux, avec des réponses éducatives discutables, encore très faibles, surtout dans le cadre du temps libre des enfants et des jeunes. Or, pour une large majorité de la population, il est urgent de s’interroger déjà sur l’impact de ses milliers d’heures passées devant la télé depuis de nombreuses années ! Depuis les années 70, la télé est un des éléments majeurs du mode de vie et des valeurs contemporaines. Nous invitons tous les adultes souhaitant participer à une éducation éclairée aux médias et à l’information à faire le point sur la place de la télévision dans leur parcours de vie, ne serait-ce par souci de cohérence et de crédibilité à l’égard des publics auprès desquels ils s’adressent, notamment quand il s’agit de démarches préventives.
Même si les effets des usages de la télé sont difficiles à évaluer précisément, nous invitons à ne pas sous estimer leurs influences, notamment sur les représentations, valeurs, normes et croyances. On pense, entre autres, à l’influence de la pub et toutes ces marques et slogans envahissant les cerveaux, dont pour nombreuses d'entre elles relèvent de productions et de consommations écocides et en partie évitables. Mais qu’en est-il également de son impact quant à la « connaissance » ? Qu’est-ce qu’un individu de 50 ans et plus, regardant la TV en moyenne 3 heures par jour depuis son plus jeune âge, a-t-il pu apprendre et comprendre par ce média ? Tout dépendra sans doute des centres d’intérêts de chaque individu, du choix des programmes, si l’émission provoque des interrogations, des recherches, des échanges. Dans tous les cas, la question de l’influence nous paraît centrale. Le terme « influenceur » apparu avec les réseaux sociaux, aurait pu être donné à des centaine de vedettes de la télévision, depuis plusieurs décennies et encore aujourd'hui que ce soit dans les domaines de l’information, de la politique, de l’économie, du divertissement, du sport, de la vulgarisation scientifique, de l’histoire, etc.
Les questionnements, préoccupations, démarches éducatives et de prévention se focalisent aujourd’hui sur les réseaux sociaux, mais tous les médias de masse doivent être pris en compte et surtout les plus dominants, donc en particulier la télévision. Faire le point sur nos propres usages des médias, depuis notre enfance, comme nous l’encourageons lors de nos réflexions collectives, facilite l’introspection, la conscientisation, la compréhension de nos comportements, de nos préférences, de nos attentes et des problématiques, aide à trouver les mots pour les exprimer, aide à les objectiver et à les relativiser. Cette démarche prédispose davantage à des actions éducatives adaptées, cohérentes et crédibles.
avril 2025 - Ludovic Touchard - animateur/formateur d'ADEIFvidéo
Quel avenir pour la télé ?
Création de Canal + en 1984, privatisation de TF1 en 1987, apparition de la TNT en 2005, émergence des chaînes d’info en continue, non renouvellement des chaînes C8 et NRJ 12 et bien d’autres évènements ont marqué l’évolution et les transformations de la télé. Aussi, à l’instar des Etats-Unis avec la chaîne Fox News, nous assistons à une plus forte politisation des chaînes, des contenus et des propos, notamment avec la création de Cnews en 2017, et au profit des valeurs conservatrices et réactionnaires. Comment expliquer ce phénomène ? Il y a-t-il un lien avec le vieillissement de la population, de surcroit celui des téléspectateurs-électeurs et en reflet, des contenus télévisuels cherchant à les séduire et les conforter dans l’évolution de leurs attentes, valeurs et convictions ?
Ce phénomène contraint l’État, via l’ARCOM, à mieux réguler le secteur de la télévision. Certains propriétaires de médias et partis politiques cherchent au contraire à le libéraliser et souhaiteraient, entre autres, voir disparaître l’audiovisuel public (privatisation de France télévision). Cependant, reste la question centrale du financement du coût de fonctionnement des chaînes, les GAFAM captant et dominant de plus en plus le marché publicitaire, une partie de sa manne financière échappe aux autres médias plus anciens. L’avenir à moyen terme des chaînes de télé historiques semble de plus en plus incertain.
avril 2025 - Ludovic Touchard - animateur/formateur d'ADEIFvidéo