un article de Ludovic, animateur salarié
photos de l'article réalisées par les intervenants, les animateurs de la structure et deux jeunes
A la demande de Yorick Bisson, animateur permanent de la Maison des Jeunes de St Aignan-sur-Cher, je suis intervenu les 24 et 25 juillet derniers pour animer des activités d’initiation à la réalisation audiovisuelle. Marvin Kalavera, administrateur d’ADEIFvidéo, est venu m’aider à animer la séance du vendredi après-midi, une participation précieuse et rare de la part de nos bénévoles, généralement contraints par leurs activités professionnelles.
Cet atelier, l’un des plus réussi de ces dernières années, mérite un compte-rendu un peu plus détaillé. Une occasion pour mieux expliquer aux structures d’accueil éducatif comment s’organisent et se déroulent nos initiations à la réalisation.
Vers des activités vidéo régulières
La Maison des Jeunes n’a pas proposé d’activités vidéo ces dernières années. Elle n’est pas équipée en matériel et les jeunes ne sont pas initiés. Un investissement dans une caméra et un PC destiné au montage est prévu pour tenter de proposer des activités de création audiovisuelle régulièrement. Pour l’été 2025, l’idée des jeunes et de leurs animateurs est de pouvoir réaliser une vidéo présentant les différentes activités programmées par la Maison des Jeunes : jeux, sorties, camps. Notre mission est donc de leur transmettre les compétences techniques de base et de les rendre autonomes pour leurs futures créations. L'initiation doit rester cool et ludique, ce sont les vacances, priorité à la détente.
Les ateliers ont lieu dans la structure, de 10h à 12h et de 14h à 16h. 5 séances de 2 heures étaient initialement prévues. La première devait se tenir le mercredi 25 juillet après-midi, mais l'équipe d'animation a été contrainte de remplacer cette séance par une sortie. Pas de problème, j’interviendrai les 26 et 27 pour 4 séances, la 5ème séance est repoussée aux vacances de la Toussaint.
Souvenirs, souvenirs
Cette Maison des Jeunes est l’une des premières structures pour laquelle j’ai commencé à animer des activités d'initiation au titre d’animateur d’ADEIFvidéo, en 1999. Les lieux ne me sont donc pas inconnus. Je connais également Yorick. Il a participé à plusieurs séances d’ateliers vidéo que j’ai animées pour l’école de Couffy en 2011. Il était en CE2 ! Il se souvient très bien du journal télévisé que nous avions alors réalisé en direct avec sa classe et Laurence Fouché son institutrice. Il en garde un bon souvenir. Ah oui c’est vrai, j’ai 54 ans, beaucoup moins de cheveux que Yorick, mais tout va bien se passer...
Changement de projet
Courant juillet, avant nos interventions, quelques jeunes de la structure ont participé à un atelier d’initiation à l’écriture de scénarios animé par Margot Coursaget, scénariste professionnelle. Pas évident en plein été d'attirer les jeunes pour une telle activité pourtant intéressante et très créative. A partir d’un scénario de leur création, un projet de court-métrage est envisagé. Il remplacera finalement le projet initial d’une vidéo retraçant les activités de l’été. Une ou deux courtes séquences de la fiction imaginées par les jeunes scénaristes seront réalisées avec notre aide.
De 1999 à 2010, ADEIFvidéo a encadré de nombreux projets de courts-métrages et de fictions en général. Pour des raisons de priorités éducatives et de préférences pédagogiques, nous avons choisi ensuite de nous spécialiser dans des projets de reportages, de documentaires, des journaux télévisés ou la réalisation de vidéos sur le thème de la pub. Nous continuons à intervenir sur des projets de fiction, mais uniquement pour l’initiation technique à la réalisation en amont et au montage, sans intervenir sur le tournage ou très peu. Nous encadrons aussi la réalisation de making of, comme nous le faisons auprès du club audiovisuel du Collège Léonard de Vinci depuis 2024.
Passage de relais
Le jeudi 24 juillet au matin, j’entre dans la structure 45 minutes avant le début de l’atelier pour prendre le temps d’installer mon matériel. Quelques jeunes commencent à arriver, suivis de Margot, avec qui j’avais un peu échangé par téléphone et mails pour préparer l’atelier, mais nous nous rencontrons pour la première fois. Le déploiement du matériel technique d’ADEIFvidéo la rassure. Le projet de court-métrage va pouvoir se concrétiser. Il est ambitieux. Nous convenons avec Yorick qu’il pourra se prolonger au-delà de l’été, la structure étant fermée en août. Et puis l'important est d'essayer, d'expérimenter et de découvrir.
14 jeunes sont au rendez-vous, encadrés par 3 animateurs : Yorick, Lucyle et Axel. Nous commençons la matinée par un temps d’échanges autour du film en construction et un rappel des techniques pour créer des scénarios, animés par Margot.
Initiation technique bien cadencée
C’est parti pour l’initiation technique à la prise de vues. Un caméscope sur trépied est branché sur un vidéoprojecteur. Différentes manières de cadrer sont expérimentées par les jeunes. Ils se filment, leur image est diffusée en direct sur un grand écran blanc, une situation finalement pas si courante et amusante ! L’activité séduit. Ambiance !
Je fais ensuite une démonstration de réalisation de tourné-monté en 5 plans. J’explique bien le procédé, donne des conseils. Des équipes de réalisation de 3 à 4 jeunes sont constituées. De bons caméscopes, des trépieds solides, mais pas de micro supplémentaire, pas de perche, pas de matériel d'éclairage. Il faut aller à l'essentiel et produire des vidéos dans un temps très réduit. Le but est de travailler surtout le découpage technique, les cadrages, les angles, les mouvements de caméra, les raccords. Tout le monde est prêt pour passer à l’action.
Des saynètes en vidéo de moins de 2 minutes réalisées en un temps record
Les consignes de la première épreuve créative sont données : réaliser une libre adaptation de « Le Corbeau et le Renard » ou de « La Cigale et la fourmi ». Les vidéos devront durer moins de deux minutes et être composées de 12 plans minimum. Avec insistance, je demande aux jeunes de soigner particulièrement les prises de vues et de ne pas perdre trop de temps dans la mise en scène des personnages et des actions.
Régulièrement proposées dans nos ateliers, ces deux fables se prêtent particulièrement bien à l’exercice. Elles comportent à la fois une narration, des dialogues, mais aussi des rimes agréables à l'oreille et musicales. Il est intéressant aussi de comparer les différences d’adaptation des fables, les différentes sensibilités et interprétations d’un atelier à un autre. Dans tous les cas, ça fonctionne, les jeunes apprécient et certains connaissent un peu la fable.
Réaliser un tourné-monté sur un récit déjà existant, et donc à adapter, permet aussi de gagner du temps. La priorité est de créer des vidéos dès la première heure d’atelier, de réfléchir un peu à la mise en scène, mais pas d’inventer de toute pièce une histoire, un exercice souvent difficile, à proposer éventuellement, mais après 2 ou 3 séances.
Nous visionnons les vidéos réalisées. Elles sont plutôt réussies, mais comportent des erreurs techniques. Tant mieux, c’est l’occasion de poursuivre l’initiation et réfléchir à comment les éviter. Une règle d’or est mieux comprise : sur un même sujet, ne jamais filmer deux plans successifs ayant le même cadrage ou le même angle, pour réussir leur raccord.
C’est l’heure de la pause déjeuner. Un tiers des jeunes mange dans la structure, chacun a apporté son repas. Ils s’installent dans les très confortables canapés de la salle d'activité principale et tous, sans exception, sortent spontanément leur smartphone, le plus souvent pour jouer, mais aussi surfer sur les réseaux. Rivés sur leur écran, l’ambiance devient rapidement plus silencieuse...
2ème jour d’atelier
Le vendredi matin, encore une quinzaine de jeunes, dont quelques nouveaux. Nous reprenons l’initiation à la prise de vues, puis j’anime un temps d’analyse technique à partir d’une séquence de fiction. J’insiste sur la notion de plan, essentielle pour comprendre la nécessité du découpage technique d’une séquence. La matinée se termine par une seconde épreuve de réalisation en tourné-monté, toujours avec les mêmes fables.
Marvin arrive comme prévu en début d’après-midi. Un groupe de jeunes devait être en sortie, mais le programme a été modifié. L’effectif monte à 22 participants et il nous faut tenter d’embarquer tout ce monde dans l’atelier vidéo !
Nous formons deux groupes. L’un avec Marvin, pour commencer la réalisation d’une première séquence du court-métrage dans la salle d’activité principale, l’autre avec moi pour un atelier montage, dans une autre salle. Pas évident tout de même avec autant de participants ! Certains jeunes n'ayant pas suivi la première journée s'intègrent tout de même bien à l'activité, d'autres sont plus en retrait.
Marvin est professeur de Collège. Il enseigne en classe ULIS et anime le club audiovisuel de son établissement depuis plusieurs années. Il a une bonne maîtrise des techniques de réalisation. J’interviens également auprès du club pour la 3ème année consécutive. Cette coopération réussie en temps scolaire a rapidement convaincu Marvin de devenir membre d’ADEIFvidéo, depuis 2024. Au titre d'animateur bénévole, il a donc pour mission d’aider les jeunes et l’équipe d’animation, mais en intervenant le moins possible dans les choix créatifs.
Cette première séquence doit impérativement être filmée en intérieur, pour pouvoir brancher en permanence le caméscope sur le vidéo projecteur. Cette installation permet à tous les jeunes de choisir les cadrages et mouvements de caméra, puis de vérifier la qualité de chaque prise. Yorick coordonne le tournage avec efficacité.
La magie du cinéma opère
Le principe de la réalisation en tourné-monté est donc de créer des vidéos sans passer par une application de montage. C'est un très bon exercice technique et créatif. Une fois l'épreuve réalisée et le résultat visionné, il est intéressant de créer une seconde version de la vidéo, mais cette fois-ci, en modifiant le montage avec le logiciel iMovie. Une occasion de s'initier à cette étape essentielle de la création audiovisuelle et particulièrement éclairante pour l'éducation aux médias.
Il faut aller vite, sur les 7 vidéos réalisées en tourné-monté depuis jeudi matin, 3 d'entre elles seront un peu retravaillées au montage. L'activité demande beaucoup d'attention et de patience. Des 8 jeunes participant à l'initiation, la moitié décroche rapidement, l'autre moitié est mordue, c'est déjà ça. 15h30, il nous reste 30 minutes pour présenter les 7 vidéos réalisées à l’ensemble des 22 jeunes et l’équipe d’animation. L’ordi portable est branché sur le vidéo projecteur. La diffusion est lancée…
Rires et applaudissements... Après chaque vidéo, la parole est donnée aux équipes de réalisation pour nous donner un avis critique sur le résultat, expliquer comment s’est déroulé le tournage, les difficultés rencontrées, etc. Puis le reste de l’assemblée donne à son tour son avis. Une étape essentielle, mais pas si facile. Il faut s’exprimer en public, tenter d’expliquer ce qui est réussi et ce qui l’est moins. Certains ont peur de froisser les équipes de réalisation. L'exercice est plutôt satisfaisant, on avance, on avance... Créer et diffuser des vidéos, puis échanger sur cette expérience et les résultats obtenus n'a rien d'anodin.
L’atelier se termine, applaudissement général, l’atelier a du succès. Le fait d’avoir pu réaliser 7 saynètes en aussi peu de temps est apprécié. Mission accomplie pour ADEIFvidéo et très bonne expérience pour Marvin et moi. Bonne ambiance, jeunes sympas, équipe d’animation sérieuse et joviale, le fonctionnement de la Maison des Jeunes a aussi largement participé à la réussite de ces deux journées. La réalisation en tourné-monté est une activité créative particulièrement adaptée pour les espaces jeunes et centres ados. Cette nouvelle expérience vient à nouveau de nous le confirmer.
Une activité essentielle pour l’éducation aux médias
Un atelier d’initiation à la réalisation audiovisuelle relève-t-il de l’éducation aux médias ? Trois fois oui, c’est l’intime conviction partagée par les membres d’ADEIFvidéo depuis la création de l’association. Notre projet éducatif l'explique avec précision. Une fois bien assimilées, les notions de cadrage, de plan, de découpage technique, de montage, participent au regard critique et moins crédule face à l’audiovisuel, à l’image filmée, à l’image animée. « Je ne regarde plus les vidéos, les fictions, les pubs de la même façon depuis l’atelier » est un témoignage très fréquent de nos participants. Le recul et la connaissance opèrent. On distingue mieux les techniques, les artifices, l’aspect généralement très élaboré, mis en scène et très construit d’un film, d’une émission, d’un reportage. La capacité à comprendre les intentions se renforce. L’éducation aux médias ne se limite pas à la vérification des sources d’information ou au repérage des infox. Comprendre les pouvoirs de l’audiovisuel, sa capacité à capter l’attention, à créer des émotions, à persuader, à transmettre, à informer, à influencer est tout autant essentiel.